Les initiatives citoyennes européennes

logo ICEL’un des processus démocratiques les plus directs en Europe s’intitule l’initiative citoyenne!

logo revenu de base

Si vous n’en avez jamais entendu parler, c’est certainement que les médias s’y intéressent peu! Il s’agit d’une innovation du traité de Lisbonne donnant un droit d’initiative politique à un rassemblement d’au moins un million de citoyens de l’Union européenne, venant d’au moins un quart des pays membres. La Commission européenne peut ainsi être amenée à rédiger de nouvelles lois dans les domaines relevant des ses attributions, mais n’y est pas forcée. En réalité, il va être compliqué pour la commission d’ignorer proprement les initiatives ayant recueillis le nombre de soutien. La première initiative à avoir abouti, Right to water, sera examinée par la commission à la fin de l’année 2013, lorsque le processus de recueil sera clos. Nous aurons alors un exemple du comportement de la commission vis-à-vis de ces initiatives.

Right2water

L’intérêt principal de ces initiatives, hormis le fait que c’est le premier outil de démocratie participative à une échelle aussi vaste, c’est de voir émerger des enjeux politiques originaux, dont les médias se font peu l’écho!

C’est ainsi que l’initiative pour un revenu de base permet de dynamiser le débat public sur cette question, malgré sa complexité (notamment côté financement), et malgré les sirènes libérales actuelles qui ne ronronnent qu’au son de la rigueur et de la croissance par la production

Le règlement relatif à l’ICE est applicable depuis le 1er avril 2012, c’est pourquoi nous n’avons que peu de recul actuellement sur l’efficacité du système.

Ce qui est certain en revanche, c’est que les citoyens européens doivent se saisir de l’ensemble des outils mis à leur disposition afin de se réapproprier les processus démocratiques! Il sera toujours temps de critiquer ces initiatives, une fois que nous aurons pu évaluer de quelle manière les instances européennes peuvent les détourner de leurs ambitions premières. En attendant, si les citoyens n’investissent pas le champs qui leur est proposé, ces mêmes institutions auront beau jeu de dire que finalement elles sont légitimes, puisque les citoyens se désintéressent de manière absolu de ce qu’elles font!

De la même manière, le Sénat français vient de lancer un espace participatif sur son site, et les citoyens doivent investir cette nouvelle brèche si ils souhaitent aller ensuite plus loin dans les dynamiques directes ou participatives!

Voici les conditions nécessaires pour constituer une initiative citoyenne européenne :

  • Au minimum un million de signatures de citoyens issus d’au moins un quart des États membres de l’Union ;
  • Le comité organisateur doit être composé d’au moins sept membres résidant dans au moins sept États membres de l’Union différents ;
  • Les signatures doivent être collectées dans l’année suivant la confirmation de l’enregistrement de la proposition par la Commission ;
  • Le nombre minimum de signatures par État est calculé en multipliant son nombre de députés au Parlement européen par 750 (ce nombre varie donc de 4 500 signatures à Malte à 74 250 signatures en Allemagne).

La Commission dispose ensuite de trois mois pour étudier l’initiative, et ce après que les États membres auront vérifié les signatures collectées.

En outre, pour être recevables, les initiatives doivent avoir été déposées après le 1er avril 2012, ainsi que l’a jugé la Commission européenne.

Une tentative d’initiative citoyenne européenne avait par exemple été remise à la Commission européenne le 9 décembre 2010. La pétition avait été lancée par Avaaz et Greenpeace en mars 2010 et a atteint le million de signatures le 28 septembre 2010 (plus de 1,2 million au 17 décembre 2010). Elle appelle à un « moratoire sur les cultures OGM et à la création d’un organisme éthique et scientifique indépendant chargé de réaliser des analyses et d’organiser la régulation des OGM » , mais a été jugée irrecevable alors qu’en Suisse, l’initiative populaire « Pour des aliments produits sans manipulations génétiques » a été votée et acceptée le 27 novembre 2005.

L’initiative Revenu de base inconditionnel – Explorer une voie vers des conditions sociales émancipatrices dans l’UE, qui avait été rejetée dans un premier temps a finalement été enregistrée le 14 janvier 2013 dans une version remaniée. Son propos est de demander à l’union d’étudier sérieusement la faisabilité d’un revenu de base au niveau européen

Quatorze initiatives citoyennes sont en cours actuellement, la seule ayant pour le moment atteint le million est Right2Water, visant à faire reconnaître l’accès à l’eau et à l’assainissement comme un droit fondamental opposable en Europe.let-me-vote

Une initiative qui reflète parfaitement l’esprit citoyen européen qui peut émerger de ce type de processus démocratique est l’initiative LetMeVote, qui revendique un droit de vote aux élections nationales de leur pays de résidence pour tous les citoyens européens, alors qu’aujourd’hui, il est limité aux élections locales et européennes.

 

Dans les initiatives que je trouve pertinentes, il y a encore celle qui vise à définir et interdire les Écocides en Europe et dans la zone d’influence de celle-ci! L’initiative End Ecocide mérite toute votre attention!end-ecocide-horizontal_fr

 

 

Il y a également l’Initiative Européenne pour le Pluralisme des Médias visant à protéger le pluralisme des médias par une harmonisation partielle des règles nationales relatives à la propriété des médias et sa nécessaire transparence, aux conflits d’intérêts avec les instances politiques, à l’indépendance des organes de régulation et de contrôle des médias.mediainitiative-logo

 

 

 

Vous trouverez ci-dessous les différents logos et bannières de promotion de ces initiatives que j’ai pu récupérer! Libre à vous de les utiliser pour promouvoir les initiatives qui vous plaisent!

 

La représentativité et le pouvoir


Les “démocraties” en pannes
:

 

Nos démocraties représentatives souffrent actuellement d’un mal profond, puisque le socle même sur lequel elles reposent vacille. La représentation qui était sensée assurer le fonctionnement démocratique se retrouve mise en défaut par plusieurs facteurs :

– Le premier de ces facteurs est connu depuis de nombreuses décennies, mis en lumière avec brio par Bourdieu, il s’agit du concept de reproduction sociale. Les élites tendent à conserver leur place au sommet de la hiérarchie économique et politique, et la perméabilité entre les différents milieux sociaux est presque une illusion (les exceptions n’étant là que pour confirmer la règle).

– La légitimité de nos représentants obtenue par le vote est également remise en question, puisque les votes nuls et blancs ne sont pas pris en compte dans les résultats, et les pourcentages de résultats sont énoncés hors abstentions. La pratique de l’élection représentative ne trompe aujourd’hui plus personne, mais elle est toujours envisagée comme la seule solution possible. Nous avons montré par ailleurs que ce n’était plus le cas aujourd’hui.

– Le dernier facteur, et non des moindres, c’est que la concentration du pouvoir entraîne inévitablement l’abus. Nous avons l’habitude depuis Locke et Montesquieu de pallier cet inconvénient majeur en instaurant une séparation des pouvoirs. Cette séparation permet de contre-balancer les abus de chacun des pouvoirs par un autre pouvoir. D’où la construction de nos sociétés occidentales autour de trois pouvoirs: législatif, exécutif et judiciaire. Depuis Montesquieu on a ajouté le pouvoir de l’opinion, qui est en réalité surtout celui de la presse et des sondages.


Le quatrième pouvoir
:

 

Attardons-nous quelques instants sur le quatrième pouvoir, celui de la presse. Ce pouvoir qui au début s’exprimait grâce au papier et à l’imprimerie s’est transformé plusieurs fois au cours du 20ème siècle. Trois révolutions technologiques majeures sont venues bouleverser la manière dont les informations sont transmises et sont reçues. La presse écrite n’a pas disparu, mais son influence s’est réduite aux élites instruites, qui ont le temps et la patience de lire les informations qu’ils choisissent. Pour les autres, la radio puis la télévision sont venus limiter leur choix à la fréquence ou la chaîne qu’ils écoutent. Il est même prouvé que le cerveau fonctionne différemment lorsque l’on lit un texte, lorsque l’on regarde la télévision ou que l’on écoute la radio. Les techniques de manipulation sont connues et bien étudiées, malheureusement peu de gens parviennent à démêler l’écheveau de conditionnement que l’on tisse autour d’eux chaque jour. Sartre disait que nous sommes prisonniers de nos conditionnements et déterminismes. Le seul moyen alors de devenir libre est d’apprendre à connaître ses déterminismes afin de pouvoir les surmonter. C’est un travail qui exige un regard critique sur soi-même, une remise en question constante de ses opinions, et une confrontation permanente avec des points de vue opposés afin de ne pas s’ankyloser dans ses propres convictions. Pour compléter le panorama, un très bon dossier d’InternetActu sur le fonctionnement du cerveau se trouve à l’adresse suivante.

A propos de la manipulation médiatique des masses, l’émergence d’Internet a montré son potentiel en terme de fédération hors du contrôle opéré par les médias classiques. Les attaques contre la liberté d’Internet, depuis quelques années, dont l’objectif est de contrôler les informations circulant sur les réseaux, témoignent de la crispation des différents pouvoirs (économiques, politiques et médiatiques) face à un outil qu’ils ne peuvent maîtriser et qui reste jusqu’à présent le seul élément fédérateur des peuples. La mondialisation économique avant l’émergence d’Internet avait pour conséquence la confiscation de la liberté des peuples à décider de leur avenir.


Démocratie Directe :

 

Dans l’optique d’une démocratie directe, déjà évoquée, il convient de résoudre deux problèmes :

– La non-concentration des pouvoirs

– La représentativité du législateur et de l’exécutif

 La non-concentration des pouvoirs dans une démocratie directe, où l’ensemble des citoyens ont la possibilité, non seulement de voter les lois, mais également de les travailler, est le premier pas vers une répartition du pouvoir législatif à travers l’ensemble de la population.  J’ai détaillé les outils à mettre en œuvre pour accompagner cela. Il reste toutefois deux éléments à expliciter:

– Comment garantir la représentativité du “législateur” lorsqu’il est composé de centaines de milliers, voire de millions de personnes?

– Comment désigner un “exécutif” en limitant ses possibilités d’abus de pouvoir?


Représentativité
:

 

Lorsque l’on permet à plusieurs millions de personnes d’écrire eux-même les lois qui vont les régir, nous n’obtenons jamais que toutes ses personnes se mobilisent pour participer effectivement au processus législatif. Toutefois, plusieurs centaines de milliers de personnes peuvent se mobiliser afin de discuter d’une loi, d’en écrire le contenu et d’en soumettre le vote final à l’ensemble des citoyens. Il convient alors de pondérer le vote de chacun des participants volontaires à la rédaction du texte, afin de garantir une représentativité de ce panel de volontaires par rapport à l’ensemble de la population. Cela permet d’établir de manière symbolique que l’ensemble des lois émaneront de l’ensemble du corps législatif. Pour cela, nous devons définir des critères permettant de caractériser les participants; qui reprendraient, par exemple, un certain nombre de caractéristiques évidentes: âge, sexe, zone géographique, métier, niveau d’étude, opinion politique, etc..

Évidemment, il est important de choisir attentivement ces critères afin qu’ils permettent de définir correctement l’ensemble de la population, et il faut mesurer précisément l’évolution de ces caractéristiques au sein de la population au cours du temps. Chaque personne se définit par l’ensemble de ses critères, et verra son vote pondéré par son degré de représentativité au sein de la population. Concrètement, un votant ne pourrait se retrouver avec plus de 2 voix, à moins que le nombre de participants soit très faible, et que cette personne fasse partie d’une extrême minorité. Avec un échantillon de la population de l’ordre de 50 000 à 100 000 personnes, les biais statistiques, et les marges d’erreurs sont considérablement réduites.

L’objectif de cette pondération est de donner à chacun un pouvoir de décision qui n’excède jamais son degré de représentativité dans une population donnée. Ainsi, une “oligarchie” éduquée qui voudrait faire passer une décision n’aurait d’autre choix que d’en démontrer à l’ensemble le bien fondé et l’intérêt général. Elle ne pourrait s’arroger le pouvoir sous couvert de compétence.


Intelligence Collective :

 

On peut mettre en balance cette proposition de pondération avec la règle habituellement admise en démocratie: “un homme = une voix”. Ce principe, qui à l’origine permettait d’éviter la mise en place d’une oligarchie, se trouve mis en défaut dans le cas où l’ensemble des citoyens sont appelés à participer en permanence à la création législative et réglementaire. En effet, les citoyens les plus disponibles, sont ceux ayant le moins d’activités : sans emploi, retraités, étudiants, … Ils ne sont donc pas forcément représentatifs de l’ensemble : dès lors la catégorie des actifs, moins disponible bénéficierait d’une pondération favorable permettant de rééquilibrer son poids face aux autres catégories.

Ce système n’est peut-être qu’une complexification inutile visant à garantir l’égalité individuelle mais aussi celle de catégories particulières au sein de la société. A la lumière des théories de l’intelligence collective, on constate que le simple fait de mettre en place des cadres de décision permettant à tous d’apporter leur pierre à l’édifice, permet la création de décision bien meilleures que lorsqu’un petit groupe de décisionnaires s’arroge la capacité de décider pour un ensemble. Sans nécessairement obtenir un consensus total sur chaque décision, en utilisant les techniques de l’intelligence collective, on obtient rapidement des décisions satisfaisantes pour un ensemble d’individus et de groupes d’individus.


Sécurité :

 

Se pose également la question de la sécurité des processus, aussi vrai pour des prises de décision utilisant les outils informatiques dématérialisés que pour les processus réels actuels. Il est possible de bourrer une urne réelle, et de la même manière, d’infiltrer tous les systèmes informatiques . On peut dès lors respecter le même principe que pour les élections réelles, on établit des méthodes d’observation et de contrôle, de sorte que si la fraude peut se produire, elle soit toujours détectée. Les logiciels servant de support aux processus doivent être transparent et open-source ce qui garantit un niveau de sécurité bien plus élevé qu’une boite noire à laquelle peu de gens ont accès. Les urnes sont transparentes en France, ce qui n’est pas le cas en Russie par exemple. Les machines à voter américaines ont été détournées de leur fonction à plusieurs reprises. Il convient donc d’apporter un soin extrême aux méthodes que l’on met en place, aux processus et à leur contrôle… Peu importe qu’ils soient réels ou virtuels, il faut toujours veiller à empêcher le détournement du système.


L’exécutif :

 

Reste la question de l’exécutif, car même lorsque les lois sont bonnes, leur application est fondamentale, et l’on constate que les meilleures lois peuvent êtres vidées de leur sens et de leur efficacité par un manque délibéré d’application. L’exemple français de l’application du Grenelle de l’environnement est une illustration flagrante de ce genre de défaut de l’exécutif. Comment garantir alors qu’un exécutif applique effectivement les décisions prises démocratiquement par l’ensemble des citoyens?

On peut s’intéresser un moment à l’idée du tirage au sort, qui est très ancienne, puisqu’elle était déjà appliquée à Athènes dans l’antiquité. L’argumentation d’Étienne Chouard sur le sujet est assez éclairante:

 

Etienne Chouard et la démocratie

 

Source: Plan C

Je le rejoins sur l’idée que le tirage au sort à pour avantage de garantir de manière absolue la non-appropriation du pouvoir par l’élite. Toutefois, je souligne que ce tirage au sort régulier, selon moi, ne devrait s’appliquer qu’aux fonctions exécutives, judiciaires, et toutes les fonctions de surveillance et de contrôle: cour des comptes, comités de surveillances, autorités administratives indépendantes

Le pouvoir constituant et les fonctions législatives étant appliqués par l’ensemble de la population comme évoqué plus haut.

En complément, la conception des fonctions changent, puisqu’on ne place plus une personne pour assurer une fonction, mais un collège de personnes! Ce qui a pour effet d’empêcher la dérive d’un individu par rapport à une fonction, et l’abus de pouvoir.

On peut donc conclure partiellement le sujet en constatant que les freins actuels à l’instauration de véritables démocraties à travers le monde ne sont pas techniques ou scientifiques. Nous avons d’ors et déjà les moyens techniques et intellectuels de mettre en place la démocratie directe à l’échelle d’un pays comme la France. Le véritable frein réside donc dans nos esprits. Il faut prendre conscience de l’illusion démocratique que l’on nous impose et faire un pas supplémentaire pour comprendre que nous pouvons dès aujourd’hui instaurer un véritable système démocratique. Il faut garder à l’esprit qu’aucun système n’est parfait, mais on se rend compte que certains systèmes respectent mieux l’intérêt général que d’autres!

Toute cette réflexion rejoins les démarches d’open-gouvernance, qui prône une ouverture plus importante aux citoyens des différents processus conduisant à la production de droits. Pour résumer simplement ce concept, je vous propose la petite infographie suivante:

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